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un peu de patience envers ceux qui vous appartiennent pour leur rendre le courage s’ils l’ont perdu, et pour décupler en eux le goût de l’action. Jusqu’à la douleur que vous donnez est féconde, parce que souffrir à cause de vous, c’est se grandir. Ce n’est pas seulement votre beauté et le charme de votre intelligence, c’est votre pouvoir d’aimer, qu’on sent si bien et qui crée de la pensée et de l’énergie chez les autres. L’image de vous est pour moi une excitation à comprendre et à deviner. Mes recherches sont plus lucides, le jour où je vous ai vue. Trouver, — cette griserie du savant curieux, — ne me semble avoir eu sa plénitude et son sens réel que depuis que je mets votre pensée dans tout ce que j’entreprends. Ne le dites pas à mes confrères de l’Académie des Sciences, ils sont trop bêtes pour comprendre cela ; mais, je travaille avec l’idée que dans ce que j’aurai ajouté à la conquête des secrets de la nature il y aura un peu de vous mêlé. En vérité, c’est à cause de vous que mon nom survivra peut-être quelques années… Je me demande parfois si on peut mourir quand on vous aime…

— Oui, dit-elle d’une voix très grave.

Barrois l’examina attentivement, puis :

— Ce doit être encore quelque chose de très beau que de garder la conscience de vous jusqu’à son dernier moment de lucidité, à l’heure de la désagrégation… Pour être heureux, à l’ordinaire, il faut avoir été aimé : mais quand il s’agit de vous, toutes les valeurs se déplacent : il suffit de vous aimer pour que la vie entière soit embaumée et qu’on n’ait plus rien à souhaiter.

— Croyez-vous vraiment ce que vous dites là ?