Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/441

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Baudelaire qui m’a mis les larmes aux yeux, tant elle exprimait bien toute votre personne, et ce que j’éprouve. C’est dans un poème en prose… vous le connaissez, naturellement… Voilà la phrase : « Il y a des femmes qui inspirent l’envie de les vaincre et de jouir d’elles, mais elle donne le désir de mourir lentement sous son regard. »

— Il faut résister à ce désir-là, dit Jacqueline de sa voix souple dont l’ironie s’affinait de tendresse, il faut vivre le plus fort possible, avoir beaucoup de talent pour que je sois fière de vous quand vous m’aurez persuadée que vous méritez mon amitié.

— Est-ce que ça pourrait arriver, ces choses-là, vraiment ? Ahl ce que je ferais pour que ce soit.

— Voulez-vous faire mon portrait pour commencer ? J’emploierai les séances à tâcher de m’habituer à vous. Mais vous serez un gentil garçon, bien sage. Ce serait ennuyeux de vous mettre dehors à la troisième pose.

— Faire votre portrait ? Vrai ?… Si vous saviez ! J’en avais un tel désir ! Je ne pense qu’à ça ! Mais je le raterai, vous verrez ; ce sera un navet infect. Quant à être sage, comme vous dites… Voyons, vous sentez bien quelle peur j’ai de vous ! Vous pourriez me demander des choses extravagantes… Essayez, vous verrez !

— Bon ! alors je vais vous demander deux choses éminemment raisonnables : la première, c’est de venir après-demain, à une heure, déjeuner chez moi. Nous parlerons du portrait. La seconde chose, c’est de donner votre place à mon vieil ami Barrois qui erre près de la porte comme le fauve de l’Écriture et qui