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tout. Et puis aussi, avant de vous connaître, j’étais plein de colère contre la société, je rêvais de grands bouleversements qui remettraient la justice en circulation, j’avais un malaise incroyable. Maintenant je me suis rendu compte que la vie de chacun peut être belle et utile, pourvu qu’elle tende vers un idéal précis. Le travail m’est devenu une joie depuis qu’il conduit à la gloire, et que la gloire, c’est le moyen d’être moins indigne de vous approcher. Je rêve — ah ! c’est que je suis très toqué voyez-vous ! — d’avoir un jour assez de talent pour que vous vous intéressiez à moi ; j’en aurai ! Je veux si fort ! Alors, ce sera comme un cadeau que je vous ferai et que vous accepterez… avec ce regard que vous avez en ce moment et que je ne mérite pas encore. Vos yeux, quand ils ont cette incroyable douceur, semblent promettre quelque chose de plus prodigieux que tout ce qu’on a jamais imaginé ; quelque chose qu’on ne devine même pas, mais qu’on se ferait hacher pour conquérir. C’est bête, ce que je dis là, et inconvenant, et tout ; mais je vois bien que vous n’êtes pas fâchée. Dites, madame, pensez-vous que je vous verrai encore quelquefois ?

— Pourquoi non ?… Alors, décidément, vous avez un peu d’amitié pour moi ?

— Ah ! dieux ! jamais on ne vous a aimée comme je vous aime.

— Croyez-vous ? dit-elle en renversant sa tête au dossier du fauteuil.

Ses yeux se promenaient sur les feuillages lisses d’un grand araucaria dressé au-dessus d’elle.

— J’en suis sûr ! Tenez, hier, je lisais une phrase