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conversation et où, cette fois, mais là pour de bon, tout sera changé… Avoue que je ne me trompe pas !

– Peut-être. Il vient fatalement une heure où « tout change », comme tu dis. Pourquoi ne serait-ce pas celle-ci ? Ta dureté agit sur moi autrement que tu ne penses… Tu ne m’aimes plus du tout ?…

– Non ! L’espèce de détestable plaisir que je prends à te parler ainsi vient d’une sorte de mémoire automatique de mon cœur… Mais, tu le vois bien, je n’ai aucune émotion, non, rien… C’est fini ! À quoi penses-tu ?

— Je pense à ce que j’aurais pu être, et à ce que je suis… Désires-tu encore parler de moi ?

– Non, ça nous blesse autant l’une que l’autre, et si inutilement !

– Alors, dis-moi ce que tu me racontais dans ces lettres que je n’ai jamais reçues.

— Tu te rappelles bien que ma mère s’était remariée deux ans avant notre sortie du couvent ? Mais tu n’as jamais vu mon beau-père, n’est-ce pas ? Moi non plus, je ne l’avais guère aperçu ; il ne venait pas au parloir et, pendant ces deux années-là, tu sais, maman a fait des tournées dans l’Amérique du Sud ; j’ai passé les vacances à Wurzburg, chez une vieille cousine, – tout ce qui me reste de famille.

– Oui, je me souviens, et aussi de l’antipathie que je sentais en toi pour ton beau-père… Tu avais une manière de détourner la conversation, chaque fois qu’on le nommait…

– C’est vrai, je le haïssais instinctivement. Et j’avais raison. Je l’ai vérifié en quelques semaines de vie commune avec ce drôle. Il était du reste très banal