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— Oui, tout à l’heure, dans la serre.

Chacun d’eux regardait devant soi, le visage très calme ; ils avaient prononcé ces quelques mots en remuant à peine les lèvres, comme deux complices qui, dans une foule, échangent un mot d’ordre.

Dans le salon, ils se quittèrent. Roustan s’approcha de Jacqueline avec un sourire indécis, un air charmant de crainte et de plaisir.

— Madame, voilà des mois que je rêve de reprendre notre conversation de l’été dernier… Suis-je importun ?

— Non, pas du tout, venez par ici.

Il la suivit dans la serre. Entre les feuilles du grand paravent, le même fauteuil était placé où, trois ans plus tôt, elle avait imaginé la mort d’Erik et entendu les mots qui révélaient l’infidélité d’André. Elle s’y assit indiquant du geste une chaise voisine.

— Je voudrais bien être certain, madame, que vous m’avez pardonné mes sottises de l’été dernier… Mais, sans doute, vous n’avez même pas pris la peine de vous en souvenir.

— Si. J’ai très souvent pensé à vous, répondit-elle avec un sourire un peu mélancolique, et je vous assure que je ne vous ai pas gardé rancune de cette plaisanterie.

— Ah ! ce n’était pas une plaisanterie… J’ai compris bien des choses depuis notre rencontre.

— Et alors ?…

– Alors… Vous ne vous doutez pas des efforts que j’ai faits pour me rapprocher de vous, et comme j’ai travaillé aussi ! Je ne dors presque plus ! Je dessine la nuit, parce que le dessin, voyez-vous, c’est