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— Ce soir même ?

— Oui.

— Où vas-tu ?

— En Amérique… J’ai été nommée professeur de violon dans un institut musical qu’on vient de fonder… Mais qu’importe cela ?… Adieu, Jacqueline… Veux-tu que nous nous embrassions une dernière fois ?

— Que dois-je dire à André ? Il m’interrogera certainement sur les causes de ton départ.

— Non, il ne te parlera pas de moi. Le mauvais souvenir qui reste entre nous n’est pas de ceux qu’on remue volontiers. Ne dis plus jamais mon nom devant lui, cela suffira… et, si je me trompe, s’il te questionne… eh bien, dis ce que tu voudras, mais que ce ne soient pas des mots durs, il ne les mérite pas, je suis seule coupable en tout ceci… Tu lui pardonnes, n’est-ce pas ? je t’en prie…

— Mais sans doute… voyons…

— Et à moi ?

Jacqueline vint à elle, lui prit la tête dans ses deux mains et, longuement, appuya ses lèvres au front de Léonora, puis, la laissant aller :

— Tâche de faire ce que je ferai, je te le jure. Oublions les amertumes, les colères et les défaillances qui nous ont séparées, pour ne nous souvenir que du temps où nous nous aimions simplement en rêvant à un avenir de bonheur où nous serions réunies. L’abominable minute où nous sommes venues après nous être efforcées pour briser la loi qui asservit le cœur des femmes doit nous instruire et nous rapprocher. Tu disais que notre réel esclavage, c’est l’amour ; tu sais maintenant qu’on n’y échappe pas. À quoi bon