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tout le reste cet idéal de force et de pureté que tu représentais pour moi… D’ailleurs, tes révélations ne font qu’achever cette mauvaise œuvre-là… Seulement, comme c’est étrange que ce soit André que tu aimes !… André !… Pauvre fille ! comme ton orgueil doit te faire mal !

— Non… Je n’ai plus d’orgueil.

— Plus rien… que de l’amour, dit Jacqueline d’un accent cruel et triste, et quel amour !…

— Oui, méprise-moi bien. J’aime mieux ça, c’est un soulagement.

— Ah ! Dieu non, je ne te méprise pas ! Est-ce que tu ne sens pas dans quelle désespérance je suis, et que j’ai comme toi le sentiment d’une impossibilité à continuer de vivre ?

— Pourquoi ? Rien n’est changé pour toi.

– Si, tout. Erik est mort, — Erik, la seule vraie tendresse que j’aie rencontrée ; — je viens de te perdre, non pas seulement parce que tu es amoureuse de mon mari, mais parce que tu me hais… Je suis seule comme jamais ; et, grâce à toi, je sais le néant de tout effort… Ah ! tu m’as bien instruite ! Quand je t’ai retrouvée, je végétais dans un ennui tranquille ; tu m’as contrainte à tendre mon cœur et ma pensée vers d’insaisissables buts. À cause de toi, j’ai vu dans sa vérité la misère et l’inutile de la vie. Je n’ai plus rien à faire, je ne désire plus rien, et le pauvre Erik est mort…

Elle se tut, étranglée par ses larmes.

— Je vais partir, il est temps, dit Léonora.

— Qu’as-tu à faire ?

— Prendre le train.