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moi… aie pitié de moi, Léo, c’est si affreux, si affreux !

Mademoiselle Barozzi hocha la tête et, de cet accent bizarre qui donnait l’impression qu’elle fût à l’écart de soi-même :

— Moi non plus, je ne te reste pas… Attends que je t’aie tout dit. Je suis une misérable… J’aime ton mari… Non, laisse-moi parler sans m’interrompre ; après, tu me cracheras au visage, si tu veux. Je l’aime comme une folle, comme une bête folle, et depuis longtemps… depuis toujours ! Et je le savais, je savais où j’allais, j’avais beau me mentir : je savais ! Je le voyais souvent, sans te le dire, et, si cela m’était si désagréable lorsque tu arrivais chez moi, c’est que j’avais peur d’une rencontre. Lui n’est coupable de rien, tu comprends, de rien ; c’est moi seule… La semaine dernière, il est venu encore… je lui ai dit que je l’aimais. Je me suis conduite comme la plus sale des filles… Je l’ai provoqué. Ce n’est pas de sa faute, à lui : c’est un homme… Si quelqu’un n’était pas venu, s’il lui avait plu, il m’aurait prise du consentement de toute ma chair… tu comprends bien, il ne faut pas l’accuser, lui… Je ne l’ai pas revu depuis… Quand il a été parti, j’ai compris que, si je restais ici, dans quelques jours je serais à ses pieds, le suppliant de bien vouloir de moi… Oui, oui… c’est ainsi. Alors j’ai pensé à Erik ; il était comme moi souillé, misérable, défait… et je suis allée chez lui pour lui offrir de partir ensemble, de nous en aller bien loin… loin de vous tous, nous cacher… Je l’ai trouvé mort… Je pars seule. Avant, j’ai voulu venir m’humilier devant toi ; il fallait cela, te deman-