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avant-hier matin… Je ne savais pas, je n’avais pas lu. Mais il a lu, lui. Alors… c’était trop, beaucoup trop. Il avait souffert si effroyablement et depuis si longtemps… sa tête était trouble. J’ai fait ce qu’il y avait à faire, télégraphié en Norvège à sa vieille tante ; elle n’a pas répondu. Elle est peut-être morte, elle aussi. J’ai cru… j’ai pensé qu’il valait mieux ne t’avertir que quand tout serait fini… Je l’ai mené ce matin à Montmartre, seule, avec Marken, qui s’est trouvé là je ne sais pas comment. Je ne lui ai rien demandé… Voilà… c’est fini.

Tombée sur une chaise, Jacqueline sanglotait.

— Ça te fait de la peine ! dit Léonora, de cet étrange accent mécanique dont elle parlait depuis qu’elle était là. Tiens, je t’ai apporté ça ; il m’avait dit, dans sa lettre, de te le donner.

Elle tendit la photographie du Mercure de Milan. Les trous des quatre punaises qui l’avait fixée au mur blanc s’y voyaient aux quatre coins.

Jacqueline prit la photographie, la regarda et sanglota plus durement. La petite chambre, les violettes sur la table, la figure anxieuse d’Erik s’évoquèrent en désolantes et insupportables images ; elle retrouva sur ses lèvres tremblantes le goût de son baiser, et, tout de suite, la vision de la bouche grise du cadavre s’imposa, et elle cria tout haut :

— Mon Dieu ! mon Dieu ! Il est mort !

Et, folle de détresse, éperdue, elle tendit les bras vers Léonora, disant d’une voix brisée d’enfant :

— Léo, ma Léo, il n’y a que lui qui m’ait jamais aimée, lui et toi, et il est mort ! Il est mort. Mais toi, tu me restes, toi ! donne-moi la main, embrasse-