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qui, à l’analyse, ne sont que de l’eau claire ! montreuse d’oiseaux bleus empaillés ?… Pauvre petite ! tiens, voilà tes yeux d’autrefois, ces yeux qui font croire à une merveilleuse faculté de souffrir. Combien as-tu pris d’âmes en peine avec ces yeux-là ?

— Et toi, combien en as-tu blessées avec ta cruauté ?

— Oh ! je n’ai eu à me plaindre d’aucune autre trahison ! Tu m’as été une leçon suffisante. Pourtant je n’ai pas été juste envers toi en te haïssant comme si tu étais responsable ! Tu as dit un mot excellent tout à l’heure : tu es la dupe de toi-même. Tu ne prémédites pas de décevoir en faisant virer le miroir à alouettes de ta sensibilité. On t’imagine impatiente de te donner ; tu n’es qu’avide de prendre ; et, comme tes mains ne peuvent tenir tout ce qu’un moment tu as souhaité, tu jettes là tes prises pour de plus nouvelles… J’ignorais cela quand je me suis attachée à toi. Ensuite même, je ne comprenais pas. Ce n’est qu’hier que je t’ai devinée, quand je t’ai vue avec ce regard qui brûlait, secouée par la musique comme tu l’aurais pu être par un drame réel, si distraite de notre passé, si peu désireuse d’y revenir, ne trouvant pas un mot pour excuser ton oubli, préoccupée seulement de définir le trouble de tes nerfs crispés de passion sans objet… la sorte de passion de ceux qui ne peuvent aimer qu’eux-mêmes… et si mal !… Pourquoi ne réponds-tu rien ?

— Que pourrais-je répondre ?… Je sens ma faute, tu te venges, c’est juste ! Tu me montres un moi que j’ignore ; à force d’injures, tu me feras peut-être découvrir ma propre réalité. Seulement… comme ça fait mal !