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particulière. Peut-être reviendrait-il à Léonora et s’en iraient-ils ensemble, quelque part, déclamer de compagnie contre l’injustice sociale, l’asservissement des femmes, la vileté des passions. Plus calme, Jacqueline conclut à l’inutilité du sacrifice individuel, et aussi à la totale absurdité de croire qu’on puisse arrêter le mouvement de sa propre vie pour se vouer à servir la vie générale. Le haut devoir de chacun, pensa-t-elle, c’est d’aller jusqu’au bout de son énergie, quelle qu’en soit la forme ; de risquer le plus grand nombre de possibilités, de ne rien laisser en soi, instinct ou pensée, qui n’ait eu satisfaction, car ce sont les grands types passionnels ou intellectuels qui, par le seul exemple de leur développement, servent l’humanité.

Elle se leva, s’étira. Le courage et la lucidité lui étaient revenus. Si le libertaire avait été là, elle eût su que lui dire, et c’est elle qui aurait pris le ton sûr de soi qu’il avait eu jadis. Elle se sentait solidement installée dans la réalité d’où lui s’était volontairement exilé. La certitude d’être une ouvrière d’harmonie, alors qu’Erik et son amie étaient des destructeurs orgueilleux et impuissants, lui faisait une paix nouvelle.

Elle sortit de l’église lasse mais fortifiée, résolue à voir Léonora, à lui expliquer son vrai devoir, lequel consistait à satisfaire sa passion pour Erik tout comme une femme ordinaire, en vivant avec lui dans la simplicité.