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vue ; mais, au fond de soi, elle s’indignait de la responsabilité qu’il lui attribuait. Car, enfin, en admettant même que ce fût pour la revoir encore qu’il eût refusé le rôle qu’on lui offrait, il aurait dû lui être reconnaissant de lui avoir évité un crime imbécile. C’était un être noble, sans doute, mais un faible, un raté que la destinée n’avait pu satisfaire parce qu’il n’était pas de taille à la vaincre.

Sa pensée qui s’apaisait un peu alla vers Marken, et elle compara ces deux hommes. Celui-ci était vraiment fort ; il ne faisait pas de phrases sublimes sur le sacrifice, n’aspirait pas à consoler toute la douleur humaine, ni à la venger, il n’avait pas de morale, croyait au droit sans bornes de sa volonté ; mais, tenté vers l’infamie et la lâcheté, il savait s’en défendre. Il ne cherchait pas à dominer la vie, il restait de niveau avec elle pour la mieux maîtriser ; il accomplissait enfin ce qu’il avait résolu. Des rêveurs déclamatoires de l’espèce d’Erik et de Léonora n’arrivent à rien réaliser, parce qu’ils rêvent trop haut. À trois jours d’intervalle, elle avait vu Léonora désemparée, inquiète, incertaine et misérable de quelque chose d’équivoque qu’elle ne disait pas ; Erik au fond d’un désespoir qui, sans doute, aboutirait à la démence ; c’étaient, par destination, des vaincus ; ils voulaient planer et tombaient dans la boue. Évidemment, André avait raison, la pauvre Léonora devait aimer Erik ; et, elle souffrait de n’en être pas aimée. Qu’allaient-ils faire maintenant ? Elle songea à des mots obscurs qu’il avait dits et les interpréta ; les distances infranchissables qu’il comptait mettre entre elle et lui, ce n’étaient pas des lieues d’espace, mais quelque circonstance