Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/414

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de sa tendresse, et elle n’avait même pas pu dire une parole. N’avait-il pas, en la quittant, témoigné son mépris pour la faiblesse qu’elle ne pouvait cacher ? Qui sait si ce n’était pas maintenant la rage de sentir qu’elle était définitivement perdue pour lui qui travaillait dans sa tête détraquée ? N’allait-il pas revenir, se venger ?

Les dents de Jacqueline claquèrent de froid et de peur. Elle avait traversé la chaussée sans savoir où elle allait. La façade de Saint-Germain-l’Auxerrois fixa son regard flottant ; elle se hâta, poussée par un instinct atavique, vers le refuge de l’église.

Dès l’entrée, l’ombre colorée l’enveloppa d’un sentiment de sécurité ; elle se calma un peu, s’assit dans un angle obscur et fit un grand effort pour se reconquérir. Elle utilisa les suggestions du milieu, la paix de l’église, la voix sombre et fortifiante de l’orgue qui s’élevait tout à coup, pour susciter des images lointaines, enfantines et paisibles. Elle erra un moment dans son passé blanc de fillette ; mais, en y rencontrant l’image de Léonora, elle eut un sursaut de colère. Léonora, n’était-ce pas l’agent responsable de toute la souffrance où elle se débattait ? N’était-ce pas elle qui l’avait, en quelque sorte, poussée vers cette aventure à dénouement tragique ? Sans Léonora, aurait-elle tendu sa volonté vers des buts d’exception et d’illusoire perfectionnement, dont le résultat avait été sa visite chez Erik ? C’était sous l’exaltation de ces mots qui incitaient à la liberté qu’elle avait dit à cet homme qu’elle l’aimait, qu’elle avait failli entrer dans sa vie, être activement mêlée à toutes ces hideuses choses. Elle plaignait Erik de la douleur qu’elle lui avait