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Jacqueline se taisait toujours, les yeux fixes. Elle sentait que, si elle essayait de parler, ses sanglots éclateraient tout haut dans la salle silencieuse. Pendant un instant, Erik resta debout auprès d’elle, la regardant avec ses yeux chargés de songes ; hésitant, il se courba, prit l’extrémité du boa de fourrures à demi glissé de l’épaule de Jacqueline sur la banquette et la baisa d’un geste craintif, puis salua profondément et partit. Elle voulut le rappeler, se lever, le suivre, mais sa tête tournait et, comme les grands mouvements qu’on croit faire dans le cauchemar, sa contraction intérieure aboutit à l’immobilité. Elle resta là, frissonnante, défaillante presque, le cœur battant à grands coups espacés.

Depuis un long moment, elle n’entendait plus le pas sonnant irrégulier sur les parquets. Elle avait froid. D’un mouvement débile, elle se leva, et, marchant lentement d’abord, puis plus vite, elle s’en fut dans la direction opposée à celle qu’Erik avait prise. Quand elle eut descendu le grand escalier dont le vide blanc faisait trembler ses genoux, traversé la salle égyptienne où sont les grands sphinx, et qu’elle se trouva en plein air, dans la neige que le vent tordait en spirales, elle respira profondément. Elle avait des bouffées chaudes aux tempes et son imagination s’exaltait en images délirantes. Malgré son apparente douceur, l’homme qui venait de lui faire cette abominable confidence, n’était-il pas capable des pires violences ? Des phrases de faits divers sinistres tournaient dans sa pensée ; elle regarda autour d’elle, imaginant le voir dans chaque passant, et prêt à quelque action atroce. Il avait attendu d’elle qu’elle lui offrît la consolation