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danger incertain, mais terrible, lui mettait une rumeur d’eau furieuse dans les oreilles.

— Parlez-moi, dit-il, d’un ton d’angoisse ; fût-ce le mot le plus cruel, que j’entende votre voix.

— Je… je vous demande pardon, dit-elle d’une voix mate, je ne me sens pas bien… le cœur me manque.

Erik l’examinait ; son visage redevenait calme et doux ; il avait un abandon amolli de tout son corps décharné sur lequel flottaient les vêtements trop larges ; la résignation fatiguée de son visage blême sous ses cheveux blancs achevait de lui donner un aspect de défaite ; il avait l’air d’une chose brisée.

— Oui, dit-il lentement. Vous avez raison, le cœur vous manque… Je vous soulagerai en vous quittant. Vous respirerez mieux quand je serai sorti de cette salle, et tout à fait bien quand… Je ne vous demande pas de me pardonner le malaise que je vous ai causé. C’est trop tôt… Mais, plus tard, dans longtemps, lorsque j’aurai mis entre nous des distances qu’on ne franchit pas… Quand vous serez bien certaine que jamais plus je ne dois croiser votre chemin, tâchez de penser à moi avec un peu de bonté, tâchez, je vous en supplie ! Rappelez-vous que j’ai eu le courage de ne pas mettre un regret dans votre vie ; dites-vous qu’il m’a fallu pour cela… Mais à quoi bon en parler encore ?… Ce que je voudrais, c’est que, s’il arrive que vous soyez triste parce que quelqu’un vous aura déçue, vous vous rappeliez mon amour, à moi ; et, si cela vous console un peu de vous dire que vous avez été aimée ainsi, mortellement aimée… eh bien, il n’aura pas été complètement inutile que j’aie vécu.