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cachot ; la sensation précise de sa souffrance me réveille hurlant comme un fou, lorsque par hasard je m’endors pour une heure. Je descends avec lui pas à pas dans la démence, l’atmosphère qui l’étouffe m’étouffe… Je voulais vous revoir ! Quand j’ai lu dans le journal que c’était fait, qu’il était arrêté, j’ai eu un tel choc que j’ai espéré mourir sur le coup. Mais non… non, on ne meurt pas ! Et alors, très vite, tout de suite, j’ai pensé à vous… à vous ! Léonora est entrée, elle m’a parlé. J’ai cru que vraiment vous aviez eu peur pour moi, j’ai espéré que vous voudriez bien me voir, puisque vous ne saviez pas que j’étais indigne… Et puis, le lendemain, j’ai appris votre départ. J’ai compris : ce n’était pas pour moi, mais de moi que vous aviez peur ; vous pressentiez l’infamie… C’est juste. Pour se poser sur moi il faudrait que votre pitié se courbe trop bas… Mais vous ne savez pas ce que j’ai enduré ! Vous ne savez rien, sinon qu’un jour où vous étiez venue me demander mon amour… m’offrir le vôtre, je vous ai dit : « Partez… » Vous êtes partie, pour ne revenir jamais, jamais plus !… C’est bien ainsi ; vous êtes le moyen de la justice, vous seule pouviez me faire expier… J’ai tout dit.

Jacqueline ne parla pas ; elle pensait avec difficulté, par images vagues, son cœur ralenti battait à peine ; elle avait la sensation de faiblesse nauséeuse que lui donnait la vue du sang qui toujours la faisait évanouir ! Elle apercevait à peine Erik au travers de la brume qui lui semblait collée à ses prunelles ; il était lointain, elle ne le reconnaissait plus ; elle était environnée d’une atmosphère d’horreur, et le vertige d’un