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avez compris ce soir-là, pour la première fois, probablement, que j’étais un de ces fous qui croient qu’en tuant un roi on réveille des consciences… Je vous ai dit que ce pouvait être moi, le meurtrier ; la vérité, c’est que ça devait l’être… Ah ! je ne me trompais pas en jugeant que toute votre bonté ne résisterait pas à cet aveu-là !… Ne me regardez pas, voulez-vous ? il y a dans vos yeux de quoi m’empêcher de finir. Et il faut que je finisse.

Jacqueline avait baissé la tête ; elle ne répondit rien. Il reprit, au bout d’un instant :

— Lorsqu’une de ces exécutions est décidée entre ces gens auxquels de penser seulement vous soulève le cœur, n’est-ce pas ?… on tire au sort celui qui sera chargé de la besogne. C’est pour celui-là la mort assurée, ou, dans les pays où on n’applique pas la peine de mort, pis encore : la réclusion perpétuelle… et quelle réclusion !…

Il ôta son chapeau, d’un geste brusque. Jacqueline, effrayée par ce geste, releva la tête et vit son grand front moite, une insupportable expression dans ses yeux pâles ; très vite, elle se détourna.

Il recommença de parler, la voix saccadée ; maintenant les phrases jaillissaient de lui comme des plaintes de blessé, suivant le rythme inégal d’une affreuse transe.

— Je savais depuis longtemps que l’heure pouvait venir où il faudrait faire cela… J’envisageais froidement une telle possibilité, autrefois… dans un temps où il me paraissait beau de finir ainsi. Mais… je vous ai vue… et j’ai appris la peur de la mort. À l’idée de ne vous retrouver jamais, il n’y a plus rien eu en moi