Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/408

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Jacqueline s’assit sur une banquette, et, dominant sa paralysante anxiété, répondit d’un air qui voulait être brave :

— Tentez l’épreuve, nous verrons bien !

Il la regardait ; sa figure n’avait plus l’expression hagarde. Ses yeux étaient calmes, elle y vit l’incroyable lucidité qui vient aux regards de ceux dont la vie ou la raison est menacée et qui, avertis par l’instinct qu’ils n’ont plus que des instants, ramassent leurs facultés éparses pour tout comprendre et tout sentir d’un seul coup. Jacqueline sut qu’il lisait en elle les pauvres et médiocres raisons de son malaise.

— Donnez-moi encore une minute, fit-il, une seule… la dernière… Après cela…

Le silence opaque assombri par la chute plus dense de la neige s’élevait entre eux comme un obstacle. La détresse de Jacqueline s’accrut tant que des larmes lui vinrent aux paupières.

— Je vous en prie, dit-elle, c’est si pénible !…

— Oui, j’abuse de vous ; pardon, c’est fini. Je vais vous dire.

Sa douce figure nerveuse se roidit soudain, devint implacable et dure. Il parla d’une voix sèche que l’émotion n’infléchissait pas. On le sentait devenu étranger à lui-même, comme s’il se fût vidé de toute sensibilité.

— L’été dernier, un soir que vous causiez avec Léonora, vous avez entendu crier dans la rue l’attentat commis ce jour-là même. Aux paroles que Léonora a dites, vous avez deviné qu’elle craignait que je ne fusse l’assassin : elle m’a raconté tout cela… et votre émotion… Elle avait raison, ce pouvait être moi. Vous