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der la joueuse d’osselets ; elle voulait calmer son appréhension en s’intéressant aux choses, mais elle n’y parvenait pas. Depuis quatre jours, elle avait attendu l’heure de ce rendez-vous avec une anxiété croissante ; vainement avait-elle mené la vie la plus agitée pour éviter d’être seule, de penser, de prévoir ; l’anxiété l’avait suivie dans le monde, elle s’était accrue au vide des conversations et des projets, aux aveulissements de la musique. Rien ne l’en avait distraite, elle n’avait même pas rencontré Marken, ni eu de lui le moindre signe qu’il pensât à elle. L’impression d’un danger contre lequel personne n’était là pour la défendre avait augmenté jusqu’à cet instant où il allait falloir l’affronter. Quelle absurdité d’avoir donné ce rendez-vous qu’Erik ne sollicitait même pas ! Pourquoi avait-elle voulu le voir encore ? C’était si loin d’elle maintenant l’anecdote qu’il représentait ! Elle avait hâte d’aller sa route, de voir de nouveaux aspects de l’existence ; Erik, c’était le passé s’accrochant à elle pour la retarder. Qu’allait-il lui dire ? Des reproches auxquels la réponse serait mal aisée. Comment formuler, sans être cruelle, qu’elle s’était totalement trompée en lui disant qu’elle l’aimait ? Car elle l’avait dit, et le souvenir lui en était insupportable.

Elle entra dans la salle du Sacre et vit Erik debout. L’endroit était désert. Les copistes avaient quitté leurs chevalets et le gardien venait de disparaître pour déjeuner.

Sous le jour louche qui plombait de haut, l’atmosphère était morose et frigide ; une brume flottait, les pas s’entendaient trop dans trop de silence.