Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/391

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tenant, si elle s’avouait son erreur et cherchait des solutions nouvelles, c’est qu’elle était sincère toujours.

Elle écoutait la voix métallique d’Étienne qui lui arrivait par instants, et un demi-sourire orgueilleux tirait sa lèvre.

Tout à coup, elle s’arrêta, s’appuyant à l’angle d’une table. Elle avait vu à dix pas Erik Hansen qui la regardait. Sa joie intime s’altéra, elle eut une hésitation, puis, résolument, marcha vers lui.

Il avait cet aspect de vieillesse précoce que laissent après eux les grands délabrements de l’organisme ; en s’approchant elle s’aperçut que ses cheveux avaient blanchi par places. Que venait-il faire dans cette inauguration officielle ? La chercher, elle n’en douta pas un instant. Elle était près de lui et lui tendait la main.

— Vous m’avez reconnu ? dit-il, avec un lent sourire de malade.

— Pensiez-vous que je vous eusse oublié ?

— J’en étais certain.

— Vous me jugiez mal. Êtes-vous souffrant ?

— Non… et vous, êtes-vous heureuse ?

— Heureuse !…

Elle eut une belle expression amère et ironique. La figure tourmentée d’Erik Hansen venait d’ouvrir en elle la douloureuse source du souvenir. L’instant précédent, elle acceptait comme une joie et comme une richesse ce changement de toutes les choses, qui permet à chaque individu de vivre plusieurs vies ; maintenant elle ne percevait plus que l’horreur de la destruction de ce qui a été cher un moment. Cet homme à l’aspect vaincu avait baisé ses lèvres, pour-