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ça devait aboutir ainsi. Ce doit être très beau, ce que tu fais.

— Stupide, totalement, et non pas seulement détestable ; c’est je ne sais quoi de malsain, de bas, de grossier.

— Ah ! bonne Léo, quelle chance ! Tu te souviens de m’avoir injuriée parce que Wagner me bouleversait !… « Le vieux sorcier sensuel », comme tu l’appelais… Toi aussi, tu vas dans la tour de Klingsor ; tant mieux ! c’est un bon endroit pour les musiciens !

— Ma foi non, la vraie musique, ce n’est pas cette brutale attaque à la moelle épinière, c’est la haute liberté que donnent Bach et Beethoven, mais… Enfin voilà, il ne me vient que des harmonies immorales ; ne ris pas, il n’y a pas de quoi ! Et, en les écrivant, je suis ivre, folle, heureuse. Après ça, je dors, et je me réveille avec des sensations d’alcoolique. Tu ne me reconnais pas, hein ?

— Guère, mais je crois que je t’aime mieux ainsi. Nous pourrons peut-être nous comprendre enfin. Est-ce que tu as renoncé aussi aux théories sur l’indépendance, la responsabilité, toutes ces grandes machines ?

— Certes pas ! Je pense de même, je vis de même… et je continuerai.

— … Oui, dit Jacqueline d’un ton qui concentrait en soi tout le doute. Es-tu contente, au moins, maintenant que tu as trouvé la passion dont tu avais besoin ?

— Quelle façon étrange de dire les choses tu as toujours !… la passion dont j’avais besoin !…

— Dame ! c’en est bien une, rien n’y manque ; tu as même des remords. Qui est-ce, ce jeune homme qui te salue ? il me semble que je connais sa figure.