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nant racine au milieu des salles, les yeux vagues et errants. André des Moustiers, ayant aperçu l’organisateur de l’exposition, était parti avec lui.

— Si nous nous dirigions un peu ? proposa Jacqueline.`

Et, prenant le bras de Léonora :

— Viens, laissons-les, allons regarder les ivoires.

Elle l’entraîna de façon à mettre une distance entre elles et les autres, puis, s’arrêtant :

— Je suis contente de te retrouver, ma chère vieille ! dit-elle.

Son accent avait une chaleur sincère ; elle était vraiment contente. C’était peut-être la sensation riche et ambitieuse de la convalescence qui lui donnait envie de vivre, d’être gaie et bonne. Léonora n’ayant rien répondu, elle ajouta, avec plus de tendresse que de reproche…

— Méchante fille, tu es toujours fâchée ? Tu ne m’as pas écrit depuis six semaines.

— J’ai eu tant à faire ! répondit mademoiselle Barozzi.

En l’abordant, Jacqueline avait remarqué sa mine tirée, son amaigrissement, son air las et agité.

— Tu n’es pas bien, fit-elle.

— Je suis éreintée. C’est vrai. J’ai trop travaillé. Le mauvais diable de l’ambition m’a empoignée. J’écris, figure-toi !

— Tu as bien raison ! Quoi ?

– De la musique, naturellement. J’ai fait un quatuor depuis que nous nous sommes vues, ça m’a rendue enragée. On ne sait pas, sans l’avoir essayé, comme c’est difficile de bâtir un quatuor raté ! Nous