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ne restait assez vivante en elle pour qu’elle pût encore éprouver la beauté des ciels, le mystère des chefs-d’œuvre, puisque décidément il n’y avait pas d’amour sur cette triste terre, pas d’amour, à peine un peu de désir — non le désir meurtrier de Tristan — mais cette envie d’un instant qui s’efface aussitôt que satisfaite, ou tourne en haine quand on la déçoit.

À peine rentrée à Paris, elle prit un refroidissement et dut se coucher avec un gros accès de fièvre. Le malaise empoisonné de la grippe, qui décourage le plus solide entrain vital, agit sur elle comme un désastre. Elle eut l’espoir de mourir du mal qu’elle avait à la tête, défendit sa porte et ne reçut pas même Léonora, qui venait chaque jour prendre de ses nouvelles. On n’ouvrait pas les rideaux de sa chambre ; toute une semaine, elle resta dans l’obscurité, n’allumant l’électricité que pendant la visite du médecin, ou pour prendre un cachet, boire une tasse de lait, entrer dans sa baignoire et en sortir. Le docteur lui trouva une dépression démesurée à son état, il lui donna de la strychnine à hautes doses et lui fit des injections de cacodylate. L’énergie de la médication réussit. Un matin, elle eut envie de se lever, de manger, regretta d’avoir un peu maigri, encore que cette maigreur et sa pâleur augmentée lui fissent ce regard d’au delà et de dangereuse lassitude qu’on voit aux belles jeunes femmes qui viennent d’être malades.

Elle ne toussait plus ; on l’autorisa à recommencer les douches froides dont elle avait l’habitude ; elle prit du jus de viande et sentit qu’elle était guérie, reposée, curieuse des visages amis, des concerts, et qu’elle dési-