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— Je ne sais pas… Je ne sais rien, sinon que je suis à vous… J’ignorais la sensation de la défaite. Venant de vous, elle est poignante et délicieuse… Vous m’avez rendu si insensé, qu’à tenir ainsi votre main j’ai une joie plus intense que si je vous avais eue toute… Être à vous, c’est meilleur, plus profond, plus complet, que de vous avoir à soi. Seulement… dites encore que vous m’aimez.

— Je vous aime, répéta-t-elle, la tête toute proche de la sienne.

Il se prit le front à deux mains ; ses épaules eurent une secousse, puis une autre, il sanglotait et, de sa voix meurtrie, il disait :

— Chère, chère adorée, comme je suis heureux !

L’impression qui courut par tous les nerfs de Jacqueline fut si active qu’elle se leva, la tête haute, et marcha dans la pièce pour se calmer. Cette seconde la vengeait de la vie. Son triomphe sur le brutal instinct asservisseur du mâle mettait en elle une vigueur héroïque. Elle avait vaincu cet homme à l’énergie redoutable et il avouait sa victoire en sanglotant qu’il était heureux. Elle l’avait asservi, non point au plaisir, mais au renoncement, à la détresse plus âprement délicieuse que la joie. Dans la joie, c’est l’homme qui possède la femme ; la femme ne possède l’homme que dans la souffrance ; celui-là lui appartenait, il collaborait à sa volonté. Elle se sentit libre de tout.

Le ciel d’après-midi encadré par la fenêtre ouverte pâlissait, le soleil commençait à descendre, un souffle d’air rafraîchi et qui avait passé sur des feuilles sèches gonfla les mousselines des rideaux et vint mourir sur le front de Jacqueline. Il apportait l’odeur désespérée