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Alors, penchée vers lui, comme deux ans plus tôt elle s’était penchée sur Erik, elle le baisa au front et il lui parut que ce qu’elle embrassait ainsi, ce n’était pas cette peau chaude, cette artère battante, mais bien toute la volonté de cet homme.

— Vous souffrez beaucoup, vraiment ? dit-elle, avec une raillerie tendre dans l’accent.

— Non… Je suis heureux… comme je n’aurais pas cru qu’on pût l’être.

Il passa ses deux bras autour de la taille mince, qui se cambra nerveusement. Il regardait ses yeux, puis sa bouche avec une expression d’avidité douloureuse. Elle avait plaisir à sentir posé sur elle le désir de ce baiser qu’il ne demandait pas, et, parce qu’il ne le demandait pas, ce fut elle qui offrit ses lèvres ; cette fois, elle rendit la véhémente caresse et, comme elle donnait au lieu de subir, elle y goûta une joie orgueilleuse.

Ils restèrent longtemps ainsi, ne parlant plus, interrompant à peine pour le reprendre aussitôt le térébrant baiser, immobiles, appuyés l’un à l’autre, attentifs au rythme inégal de leur sang qui s’exaltait.

Les allées et venues avaient cessé dans le couloir. L’hôtel était plein de calme. Par la fenêtre ouverte, les bruits de la rue tranquille arrivaient ralentis. Jacqueline cherchait la parole qui servirait de transition entre tant de bouleversements et l’attitude de craintive espérance où elle voulait que Marken, s’installât une fois pour toutes, et se trouvât parfaitement heureux. Soudain, sans que rien eût annoncé l’intention, elle eut les deux bras immobilisés. Étienne, debout, la renversait dans son fauteuil où il appuyait son genou ;