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– Non, mais il faut nous quitter définitivement. Vous ne pouvez pas m’aimer, et moi, je ne puis pas vivre près de vous sans être aimé par vous.

— Mais vous savez bien que je vous aime, dit-elle avec un sourire triste qui affaiblissait le sens de la phrase. J’ai besoin de vous, de votre intelligence, de votre ambition… et j’ai besoin que vous m’aimiez aussi… Songez à cette belle intimité que nos lettres de tous les jours avaient faite entre nous ; pourrez-vous vous passer de cela ? Moi, pas… Ne détruisez pas notre affection ; c’est une pitié… Comprenez donc enfin !

– Je comprends que je vous adore, que vous ne m’aimez pas et que si je ne vous arrache pas de moi je serai détruit par vous ! J’ai choisi.

Il avait l’air dur et excédé ; ses yeux allèrent à la pendule ; elle fit comme lui machinalement et regarda l’heure. Il était trois heures passées ; elle s’étonna de la rapidité avec laquelle avait marché le temps. La froideur de Marken la paralysait. Elle sentit qu’elle avait déjà commencé à le perdre et goûta la savoureuse amertume de la fin des choses, avec une intensité telle qu’elle ne discerna pas si c’était plaisir ou peine, mais seulement que cet homme la faisait vivre avec une secrète et superbe violence.

Résolue, elle se pencha vers lui, prit ses deux mains et l’attira. Il résista d’abord, puis ses bras fléchirent ; il fut de nouveau à genoux. La joie de vaincre fit à Jacqueline un beau visage triomphal et passionné.

— Pourquoi ne voulez-vous pas être l’ami, le cher ami que je souhaite ? dit-elle.

— Je ne veux pas souffrir… tant ; c’est trop.