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parce que vous m’avez dit hier : « Je vous aime trop pour vous désirer ». Rappelez-vous… J’avais été fière d’entendre cette parole-là, j’y croyais. J’étais prête à vous donner ma tendresse, et, voyez, c’est vous qui ne voulez pas…

— Je ne vous demande rien, madame. Vous plaît-il que nous partions ?

— Étienne !…

L’étonnement de l’avoir malgré elle nommé ainsi lui coupa un moment la parole ; puis, le sang aux joues, elle continua :

— Vous refusez mon affection ? Dites-le, je veux vous l’entendre dire ; après cela, nous partirons.

— Ne parlons plus de tout cela. Nous nous sommes trompés l’un et l’autre, voilà tout ; nulle explication n’expliquera rien. Venez-vous ?

— Eh bien, non ! Je reste. Il faut nous comprendre pour être bien certains en nous séparant de n’avoir pas détruit une magnifique chose.

Elle s’assit sur la bergère ; il demeura debout en une attitude de déférence moqueuse.

– Nous avons mieux à faire, commença Jacqueline qui parlait avec lenteur pour se donner du temps, que d’installer une liaison comme toutes les autres, avec des jalousies, l’inévitable lassitude, le regret, le train ordinaire de ces choses enfin. J’ai eu, vous le savez, de l’antipathie pour vous, puis de la méfiance ; vous m’avez contrainte à être votre amie… Nul doute que je ne vienne à vous aimer bien davantage encore, mais ce ne sera que si vous me persuadez que vous n’êtes pas pareil aux hommes qui m’ont dit les mots que vous dites — moins bien, oh ! tellement moins