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continua de la regarder sans rien dire. L’interrogation de ses yeux agissait sur Jacqueline ; elle avait peur parce qu’il était immobile et silencieux, peur du cercle de volonté qu’elle sentait s’étrécir autour d’elle, et, davantage encore, peur de la faiblesse qui lui alourdissait les membres, faisait battre son cœur à gros coups ralentis et palpiter sa pensée de telle sorte qu’elle ne savait plus à quoi elle pensait. Toute son énergie était concentrée dans l’effort de cacher cette crainte qui était en elle et dont le délice l’humiliait. Elle voulut se dominer, le dominer, affirmer sa sécurité, et, d’un geste charmant, elle posa sa main sur la tête d’Étienne. Elle perçut que le tressaillement qui aboutit à sa paume avait traversé tout le corps de Marken. Il dit à voix basse :

— Comme je vous aime !

— Oui…

— Vous voulez bien que je vous aime ainsi, que toutes mes fibres tiennent à vous ? Vous acceptez que je sois à vous ?

— Oui.

Il se mit à ses pieds, elle entendit ce souffle brisé que lui donnaient les grandes émotions, elle vit la démence de son regard, tout près, et, en une indicible angoisse, elle se souvint de cet autre homme qui, lui aussi, s’était mis à ses pieds, et aux prunelles de qui elle avait aperçu cette expression de l’espoir, épouvanté de sa propre violence, ce cruel regard du désir. Elle repoussa inutilement la comparaison amère de cet amour oublié avec l’amour nouveau qui la tentait ; elle revoyait la petite chambre blanche, si différente de la banalité basse du cabinet particulier. Une affreuse