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peintre qui copiait l’Antiope, et qui, assurait-elle, avait des yeux incomparables.

Marken l’écoutait, de l’air d’un mondain charmé par l’esprit d’une mondaine avec qui il cause pour la première fois. Jacqueline le sentit plus fort qu’elle, et l’inconvenance révoltante de la situation prit son véritable aspect. Il était, lui, dans son rôle et le jouait bien ; elle jouait un rôle qui n’était pas le sien et où elle se diminuait. Elle eut le mépris d’elle-même, de lui et de la grossièreté du besoin d’émotion qui l’avait conduite là.

Le déjeuner s’acheva dans cette conversation qui les éloignait l’un de l’autre. Le garçon enleva le couvert, servit le café et disparut. Marken, qui était allé regarder par la fenêtre pendant que ces choses se passaient, se rapprocha.

— Vous êtes mal assise ; mettez-vous sur ce fauteuil, dit-il, en avançant une énorme bergère d’une forme grotesque.

— Est-ce que nous n’allons pas au Louvre ?

— Mais si. Voulez-vous partir tout de suite ? Vous ne prenez pas de café, peut-être ?

— Si, deux morceaux de sucre, s’il vous plaît, dit-elle.

Et elle s’assit sur la bergère, allongea ses pieds, s’appuya la tête d’un air de paresse.

Marken était debout devant elle. En quelques secondes l’atmosphère avait changé. Elle sentit le péril très voisin et dit d’une voix incertaine :

— Eh bien, vous ne parlez plus ? Qu’avez-vous ?

Il secoua la tête, s’assit à côté d’elle, le coude sur la table, sa main maigre soutenant sa tempe, et il