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parfaitement jolie. M. des Moustiers et elle causaient gaiement. Jacqueline examina André avec une attention soudaine. Il parut différent de l’image atténuée par l’accoutumance qu’elle se faisait de lui ; elle le trouvait plus beau. La grâce aiguisée de son masque, la câlinerie moqueuse de ses yeux inquiets, l’insolence gaie de sa bouche l’émurent. Quel air de jeunesse active il avait ! Il écarta un gros Allemand qui barrait la route à madame Simpson, et, dans ce geste qui effleurait, Jacqueline perçut la force contenue du geste qui pourrait briser. Il était énergique, violent… Qu’y avait-il d’obscur dans cette vitalité qui s’exprimait en agitation joyeuse ou en tourment ? Que savait-elle de lui ? Qu’il était en verve et déprimé dans le même instant et sans causes discernables ; de manières tendres avec, souvent, un air de songer à d’autres choses qu’à celles qu’il disait, d’une sensualité aiguë à réactions d’indifférence profonde. Changeant et pareil, insaisissable — secret en somme… — et elle découvrit que depuis les huit années qu’elle vivait à côté de cet homme, jamais elle n’avait songé à s’informer de ce qu’il était, ni lui d’elle.

Une femme se retourna et suivit André d’un regard insistant. L’expression de ses yeux était équivoque : souriante et anxieuse. Jacqueline en eut de l’irritation ; marchant plus vite elle se rapprocha de son mari et lui prit le bras.