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— Où irons-nous après le déjeuner ? dit-elle, souhaitant qu’il fût surpris et irrité de la question.

Il répondit sans hésiter :

— Où vous voudrez, naturellement… Au musée Guimet, voir les dames momifiées et les Boudahs en or si divinement ironiques, ou au Trocadéro.

Il parla de l’art gothique et de l’art oriental. Jacqueline, très agressive, tout à coup, dénigra le moyen âge et exalta la Renaissance, déclarant comme un programme son admiration exclusive pour les belles joies sensuelles qu’exprime l’art de cette époque. Ils discutèrent vivement. Étienne semblait considérer comme son affaire personnelle de démontrer la supériorité de la vie intérieure, des passions refoulées et contraintes. Jacqueline trouvait cette conversation de cabinet particulier d’une grande absurdité ; elle s’irritait aussi qu’il gardât entières ses opinions et ne lui cédât rien. Elle devenait méchante, et, ayant proposé qu’ils allassent au Louvre pour comparer la belle Diane étendue au flanc du cerf royal, avec le triste tombeau de Guillaume Pôt, chancelier de Bourgogne, elle glissa de là à dire qu’elle connaissait le Louvre comme personne, s’y étant promenée souvent avec le jeune poète qui à cause d’elle s’était un peu tué et qui avait un sens si fin de l’école française au xviiie siècle, et aussi avec Barrois qui savait tout et entre autres choses pas mal d’égyptologie. Elle conta drôlement comment le vieux savant s’était un jour interrompu, au milieu d’une explication sur l’écriture cunéiforme, pour lui demander avec des larmes aux paupières qu’elle voulût bien lui donner la rose qu’elle avait à son corsage. Puis elle répéta la déclaration que lui avait faite un jeune