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femmes, pour lesquelles commander un repas ne constitue point un plaisir particulier. Le garçon évitait de regarder Jacqueline ; ses yeux allaient mécaniquement de la figure de Marken à la carte, comme si ignorer qu’il y eût là une dame eût été la partie de son style professionnel à quoi il tenait le plus. Enfin il sortit, le sourcil préoccupé, emportant la commande.

— Est-ce que vous n’ôterez pas votre chapeau ? dit Étienne avec le même air distrait qu’il avait eu pour proposer de déjeuner dans cet hôtel.

— Mais non, quelle idée bizarre ! Pourquoi voulez-vous que j’ôte mon chapeau ?

– Pour voir vos cheveux, tout simplement !

– Eh bien, vous vous passerez de cette joie-là, fit-elle gaiement. Voyons, depuis quand déjeune-t-on sans chapeau au restaurant ? D’ailleurs, même si c’était protocolaire, je n’en ferais rien ; ça m’assomme de remettre mes épingles.

Il eut un sourire de moquerie.

— Vous pensez que ce serait… quoi ? trop familier ? indécent ?… ou… dangereux, peut-être ?

– Ah ! certes non ! Rien n’est dangereux, riposta-t-elle vivement.

Et, soudain décidée, elle se décoiffa, fit bouffer ses cheveux, ôta et remit la petite broche de pierreries qui fixait les mèches courtes à sa nuque et, tournée de trois quarts devant la glace, s’assura que tout était en ordre sur sa tête.

Le garçon était revenu, il mettait le couvert avec des gestes accélérés de prestidigitateur et dont la rapidité semblait destinée à distraire l’attention du public de la place particulière où il posait les assiettes pour