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avec lui des aperçus sur une sauce imparfaite, discutant des intérêts pratiques, l’attendant pour sortir ; l’idée de causer familièrement avec lui le matin, avant son bain, comme elle faisait avec André, lui parut horriblement choquante.

Non, évidemment, elle n’était pas amoureuse, puisque l’image de leurs vies mêlées se présentait sous des aspects burlesques et intolérables. Mais lui, songeait-il à rien de pareil ? Elle avait bon espoir que non. Cependant, qui pouvait le dire ? Peut-être allait-il offrir quelque absurdité, un départ romantique, par exemple ? Que lui répondre s’il en était ainsi ? Marken aurait tôt fait d’apercevoir, ce qu’elle découvrait elle-même en s’étudiant de près, son goût de la correction, des élégances morales, et que jamais probablement elle n’aimerait assez un homme pour faire à cause de lui un de ces grands mouvements de passion qui jettent bas le décor mondain et isolent une femme dans le mauvais côté de l’opinion. Il la jugerait de médiocre caractère ; mais, en somme, tout cela signifiait proprement qu’elle n’était pas éprise de lui, et elle ne lui avait pas dit qu’elle le fût.

Le courage un peu défaillant, marchant plus lentement, elle se souvenait du besoin si fort qu’elle avait eu, la veille, de ses yeux pendant que la musique remuait l’air d’une intoxiquante folie, et du moment où elle lui avait enfoncé ses ongles dans la main pendant cette course qui déchirait la nuit. Bien qu’elle n’eût pas dit qu’elle l’aimât, il était fondé à le croire. Comment avait-il interprété ce consentement si rapide à passer la journée seule avec lui. Aucun doute n’était possible à ce sujet. Il avait dit : « Je vous aime trop