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sissure, puissante comme un conseil circulaient dans ce coin des Champs-Élysées. Elle rompit son engourdissement rêveur, et s’efforça de penser avec précision. Certes elle dominait cet homme qui allait venir ; il l’aimait, comme jamais peut-être on ne l’avait aimée. Elle se sentait la maîtresse du danger accepté ; sa liberté totale était près de se réaliser dans l’asservissement d’un être que rien encore n’avait dompté. Elle sentait son énergie pour la première fois de sa vie et en jouissait. Comme elle était différente de la pauvre femme pleine de sanglots et de folie qui avait couru chez Erik Hansen pour guérir son orgueil meurtri ! Elle s’était bien examinée depuis la veille et, en sincérité, elle n’acceptait pas que ce fussent les incitations de la musique et la griserie de la course qui l’eussent déterminée à risquer cette compromettante aventure où elle se trouvait prise. Non, la vraie raison, la seule, c’était l’envie de vérifier sa propre résistance et la prise qu’elle avait sur Étienne. Il s’agissait de se bien démontrer, par l’exemple, qu’elle était supérieure à cette faiblesse des nerfs et du cœur qui livre la femme au fort désir de l’homme, et que cet homme-là était assez sa chose pour la respecter puisqu’elle voulait qu’il fît ainsi. Elle ne s’était pas occupée de rechercher si le sentiment vif et déjà tenace qui la poussait vers lui était de l’amour, les sentiments qu’il avait pour elle l’ayant jusque-là exclusivement intéressée. Elle s’interrogea là-dessus. À quoi reconnaît-on qu’on est amoureuse ? D’abord, sans doute, au tourmentant besoin de joindre toute sa destinée à celle de l’être cher. L’hypothèse la fit sourire. Elle se vit déjeunant tous les jours à la même table que Marken, échangeant