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et un mode pareil à façonner toutes les apparences. Elle devinait que la structure d’un cristal et l’ardeur d’une pensée amoureuse sont des manifestations pareilles et obéissent à une même, inévitable et merveilleuse loi.

Dans la frénésie de cette course, elle se sentait libre, puissante et superbe, les veines trop pleines ; et le bruissement de sa propre vie l’emplissait d’un tumulte ambitieux.

Elle n’eut aucune surprise à sentir la main d’Étienne se poser despotiquement sur la sienne. Elle n’avait pas remis ses gants ; leurs peaux froides devinrent brûlantes au contact qui se prolongeait, et elle planta ses ongles dans les doigts qui la maintenaient, joyeuse de penser au danger où il la mettait en menant d’une seule main à une telle allure. Ils arrivaient sur une voiture dont le conducteur, endormi sans doute, ne se dérangeait pas ; Étienne fit le mouvement instinctif de se dégager, elle le retint. Il eut un sourire d’orgueil qu’elle vit.

– Et si nous entrons là dedans ? dit-il.

– Tant pis, tant mieux ! répondit-elle.

Et leurs doigts mêlés se tordirent.

La voiture dépassée, on entendit la voix de Barrois qui criait :

— Est-ce que nous allons quitter la France ?

— C’est vrai ! Où sommes-nous, où allons-nous ? demanda Jacqueline.

— Ah ! je ne sais pas ! Qu’importe ?

— Il faut rentrer… Le pauvre Barrois n’est pas tranquille… et il a raison.

— Rentrer ! Vous quitter !… Dites, voulez-vous