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sèche dont le geste avait le mépris ou la passion des choses qu’elle touchait, il tendit un billet de banque au musicien, qui s’effondra de reconnaissance stupéfaite. Puis, remplissant d’eau le verre qui était devant lui, il le vida d’un trait. Il avait le visage plein d’ombres et de lumières ; l’excès des sensations le martelait d’une expression nouvelle et lui donnait un style si âpre et si magnifique qu’autour de lui toutes les figures se vulgarisaient.

— Vous aimez cette musique-là ? dit madame de Lurcelles.

— Oui, beaucoup.

Il se mit à parler avec une gaieté brusque. Le dîner était presque fini. Il proposait d’aller au Point-du-Jour pour donner aux femmes l’amusement de voir les rôdeurs qui se réunissent là dans un cabaret. Mais personne ne témoigna d’enthousiasme pour ce projet. L’entrain baissait. Les Américains et leur cocotte indivise étaient partis, la mélancolie de la nuit d’automne entrait plus largement par les fenêtres. Chacun sentait la fatigue de la journée ; on songeait à rentrer.

— Nous avons pris un landau au Grand Hôtel, dit madame d’Audichamp, on fait des choses comiques en cette saison, nous pourrons bien y tenir cinq. Avez-vous des voitures, chères amies ?

Ceci s’adressait à Jacqueline et à madame d’Arlindes. Toutes deux répondirent que non.

— Eh bien, laquelle vient avec nous ?

— Emmenez madame d’Arlindes, dit Jacqueline, je rentrerai à pied avec monsieur Barrois, s’il y consent. Ça me fera du bien de marcher.