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— Je reproche aux politiciens d’avoir trop rarement d’aussi bonnes raisons pour renverser les ministères.

– J’aime énormément votre façon d’envisager ces choses, dit madame d’Arlindes avec le célèbre regard de biais qui a troublé deux générations de pauvres hommes.

Des phrases se croisèrent, chacun dit son avis sans écouter celui du voisin. Les tziganes attaquaient un nouveau morceau.

Le cymbalon nasillait en notes pressées et fourmillantes. Ce fut d’abord un martellement précipité, pareil au piaffement des chevaux dont on contient l’impatience. Puis un vaste arpège s’élança. Les chevaux étant libres, la horde s’éparpillait en un galop sauvage dans la plaine ouverte. Le vent qui coupait la course folle sifflait aux cordes des violons. Marken ne parlait plus ; il écoutait cette musique, les paupières serrées, les yeux aigus et lointains, un sourire nerveux bougeant au coin de sa lèvre.

On causait vivement.

— Vous connaissez cet air-là ? dit Jacqueline à demi-voix.

— Je l’ai souvent écouté, là-bas, dans la plaine hongroise, où l’on voit des mirages, répondit-il si bas que nul autre qu’elle ne put l’entendre.

Détournée de la table, bras noués au dossier de sa chaise, Jacqueline de nouveau regardait dans la nuit et laissait entrer en elle les rafales chaudes de la musique.

Les sons s’enchevêtraient, furieux et cruels, comme des membres, des chevelures et des crinières durant le combat ; des notes hautes du violon, des cris jaillis-