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avait entendu la grande clameur dans les véhémences de la musique, ce n’était pas cela qu’elle rêvait jadis, penchée aux bords de la vie mystérieuse.

Cette affection distraite qu’elle avait pour son mari, ces flirts dont elle s’amusait un moment et qui sitôt la lassaient, ce n’était pas l’amour !

La rêvasserie obsédante et contradictoire s’interrompit, il y eut dans le tumulte intérieur de Jacqueline un silence haletant, pareil à celui qui fige les foules bruyantes en l’attente d’un spectacle lorsqu’une voix a crié : « Le voilà ! » L’impression était singulière, il lui parut que tout près d’elle quelqu’un l’avait appelée ; machinalement, elle tourna la tête. À quelques pas, immobile, un homme la regardait. Il avait un visage courbe, sec et mince, une de ces beautés sombres et maléfiques comme on en voit aux portraits élégamment féroces des Italiens de la seconde Renaissance. Dans le dur regard posé sur elle, Jacqueline aperçut une volonté cruelle, de l’orgueil irrité, le goût et la certitude de vaincre !

L’expression du personnage était si active, que madame des Moustiers eut peur qu’il ne s’approchât davantage pour lui parler. Elle marcha très vite vers le théâtre. Son mari et madame Simpson la rejoignirent.

— Vous voilà enfin ! dit André. Où étiez-vous passée ? Je vous ai perdu de vue depuis le moment où vous avez quitté cette belle personne brune avec qui vous causiez. Je l’avais aperçue hier déjà. Qui est-ce ?

— Léonora Barozzi, mon amie de couvent, vous savez, la fille de la cantatrice allemande, la Hellmann-Barozzi… Je ne l’avais pas rencontrée depuis notre mariage. Quelle admirable tête, n’est-ce pas ?