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elle. Léonora avait raison, ce n’est pas le mariage, cette association d’intérêts, de plaisir et d’insouciance ; quel simulacre dérisoire de la véritable union de l’homme et de la femme enseignés par la vie, conscients l’un de l’autre, se choisissant et s’unissant par un pacte de fierté, de compréhension mutuelle et d’amour !… Elle leva la tête et rencontra les yeux de Marken ; ce qu’elle y vit lui déplut. Elle écarta un peu sa chaise en se rasseyant. Le souvenir lui revint, des vers où Michel-Ange exprime son regret de n’avoir pas même osé baiser au front Vittoria morte. Voilà l’amour qu’elle souhaitait : l’amour d’un être fort et violent, maître de soi au point de ne rien demander jamais, et de vivre près d’elle et par elle une vie élargie et plus ardente, douloureuse, mais si belle ! Était-il capable de cela, celui-là qui avait dit un jour : « Rien de ce que j’ai voulu ne m’a résisté » ?

Tout à coup il lui parut que oui, et sa sensibilité inactive lui monta au cerveau en bouffée d’orgueil. Comme le jour où, vêtue de blanc, elle s’était agenouillée à côté d’André, elle fut ivre d’elle-même, mais autrement ; ce n’étaient plus sa beauté et sa jeunesse qui la grisaient, mais la conscience de son aptitude à dominer. Elle éprouva une plénitude magnifique, une joie de vivre si chaude qu’elle se tourna vers Marken et se communiqua à lui par un de ces regards qui sont à l’ordinaire la promesse de la joie qu’une femme se sent apte à donner, mais qui de sa part signifiait qu’elle venait d’aller au bout d’elle-même. C’est l’un de ces regards où elle s’extériorisait toute qui avait fait dire à Erik Hansen : « Comme elle doit savoir aimer ! »