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vive. Jacqueline et Marken gravirent à leur tour les marches ; il s’arrêta, un moment, se retourna vers elle et dit :

— Vous savez que je vous aime ?

— Oui, répondit-elle, le regard dans le sien.

Ils entrèrent. L’architecture tout entière disparaissait sous les fleurs ; on eût pu se croire dans une de ces paradoxales constructions où les dômes reposent sur des pivoines et qu’on voit surgir dans les musics-halls au-dessus du ballet des sylphes. Une odeur végétale fade et forte régnait.

Jacqueline s’agenouilla, posant son front dans ses mains. Elle subissait déjà l’émotion que les mariages donnent aux femmes : regret des années effacées, sentiment amer des déceptions subies. Le cœur un peu trouble, elle se rappelait son propre mariage, recherchant les traces de cette grande impression sur quoi tant d’heures avaient passé. Elle se revit agenouillée — comme elle l’était en ce moment — sur un prie-Dieu de velours rouge, à Saint-Augustin, grisée, non de la chère peur de l’avenir, mais d’elle-même, de la palpitation vivace de ses dix-huit ans, des mots d’amour qu’André, insoucieux de la cérémonie, disait, tourné vers elle avec ses yeux rieurs et désirants, sa bouche éloquente : « Tu es si belle, si belle ; je t’adore, chère, chérie !… » Elle, non plus, ne songeait guère à la solennité de l’instant, ni qu’ils s’engageaient pour la vie, mais bien à ceci : qu’elle était belle et qu’il l’adorait. La légèreté qu’elle avait mise à se donner, sans pensée grave, sans vouloir réfléchi, lui causait, à être regardée d’où elle la regardait, une irritation. Elle méprisait la femme qui avait fait cela et dont rien ne restait en