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souffrir, cette grave personne si calme ! N’avait-elle pas deviné les trahisons de M. de Lancerault, éprouvé la gêne de la mainmise sur sa liberté par l’homme dont elle restait malgré tout l’amie dévotieuse ?…

« Elle avait le goût de se soumettre, songea madame des Moustiers, elle aimait obéir à mon père, à son confesseur, à l’opinion mondaine, et il lui plaisait de me forcer à lui obéir. Elle disait que la soumission crée de l’harmonie… »

D’une saccade, l’esprit captif de Jacqueline échappa. Une autre image se dressait : Siegfried tranchant l’enclume au fil de son épée divine. Les éclats cuivrés de la volonté ardente et libérée la traversèrent de leur âpre joie, et de nouveau, mais avec une force de révolte, toute la jeunesse du monde gonfla ses muscles et magnifia son espoir.

Quelque chose en elle rafraîchissait son sang, lui faisait les nerfs vibrants et heureux. Elle sortait de ses souvenirs comme d’un lieu sombre avec une sensation physique d’éblouissement ; le paysage prit une clarté de cristal ; elle respira profondément et goûta la détente d’un large bonheur ambitieux. Pourquoi sa sensibilité oscillait-elle ainsi ? Que voulait-elle ?

Le matin même de ce jour-là, elle avait constaté sa résignation un peu mélancolique à une vie douce, unie, satisfaisante en somme. Rien n’était advenu d’autre que la rencontre d’une amie d’enfance, et sa torpeur se changeait en folle impatience. Son destin n’était-il pas achevé ? Elle était heureuse, elle aimait l’homme à qui elle s’était donnée ; lui aussi l’aimait…

Ah ! non ! non ! — son cœur s’efforça en battements irréguliers — ce n’était pas cet amour-là dont elle