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les Marken au mariage ; elle craignait de les trouver dans la hâte bruyante de la gare et d’avoir à faire le trajet avec l’insupportable femme de son nouvel ami. Elle ne rencontra que les Audichamp, les Lurcelles, Barrois, madame d’Arlindes — que depuis vingt ans on appelle « la jolie petite baronne » – et la comtesse Janowska, si superbement brune et blanche, avec des yeux d’amour et une bouche de haine. On s’empila dans le même compartiment. Le voyage fut très gai. Jacqueline expérimenta l’agrément subtil qu’ont les choses ennuyeuses lorsqu’elles précèdent un plaisir certain. En écoutant M. d’Audichamp dire tout le fond de sa pensée sur le ministre de la guerre, — après quoi, on ne voyait pas ce que pouvait faire ce soldat infortuné, sinon s’aller pendre, — elle songeait que le bon M. d’Audichamp était stupide, mais que, au moment même où sa parole faisait ce vain bruit, Marken était là-bas à l’attendre, son cœur malade sautant dans sa poitrine.

Madame d’Arlindes tentait de persuader à Jacqueline que sa coiffure de l’année précédente lui seyait mieux que celle qu’elle avait adoptée depuis quelques semaines, l’inflexion des deux mèches qui, mordant de chaque côté sur le front, taillait un petit carré blanc sous la pointe aiguë des cheveux, ne la durcissait-elle pas beaucoup ? Jacqueline répondait, très affectueuse :

— Oui, vous avez peut-être raison, ce petit morceau de front…

Elle n’achevait pas tout haut sa pensée. Ce petit morceau de son front, il y verrait, lui, l’homme qui l’attendait, toute la lumière de sa pensée et la force