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avez dans les yeux la volonté de me repousser, ce sera suffisant. Vous ferez selon que vous aurez choisi, je ne vous demande que de n’être pas distraite lorsque pour la première fois nos regards se rencontreront, car à ce moment-là il se fera en moi et pour moi de l’irréparable. »

« De sorte que, se disait madame des Moustiers en s’habillant le lendemain matin pour aller au mariage Mascrée, si je l’aborde avec un air de satisfaction à le voir, ça m’engagera… à quoi, décidément ? »

Elle trouvait l’ultimatum un peu brusque pour succéder à une correspondance de littérature et de potins, car elle tenait pour négligeables les explications plus profondes qu’elle y avait çà et là données d’elle-même. Pourtant l’impression qui se dégageait de tout cela n’était pas déplaisante, en somme. Elle jouissait de se sentir ensemble amollie et résolue ; l’attente l’énervait agréablement. Elle connaissait bien le sens réel des mots par lesquels les hommes offrent l’agrément de leur amour, et que lorsqu’ils disent : « Vous êtes mon destin », cela signifie proprement : « Si l’affaire manque, comme j’ai le cœur passionné et sincère, j’en aurai de l’humeur pendant trois semaines. » Mais Marken l’avait accoutumée à ne pas user de son habituelle critique pour juger des actes qu’il faisait et des paroles qu’il disait. Depuis qu’elle le connaissait, elle l’avait toujours vu se conduire autrement qu’elle s’y attendait. L’année précédente, elle disait de lui : « c’est un irrégulier », il se montrait tel en chaque rencontre, et, bien qu’il usât toujours de mots véhéments et excessifs, elle croyait deviner qu’il n’exprimait encore que partiellement ce qu’il éprouvait.