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busqué vous oubliait un moment. Rien d’heureux ni de cruel ne saurait en de telles phases atteindre la pensée ni la chair ; un boulet reçu en pleine poitrine serait impuissant à tuer, aucun espoir n’aurait la force de se faire réalité. Mais ensuite le destin se réveille de son mépris distrait, et, sans avertir, s’élance furieux et rapide sur notre inertie, nous saisit et nous précipite. Alors le moindre de nos gestes devient apte à nous engager ou à nous détruire, nos actes retentissent au loin. Nous sommes dangereux à nous et à autrui ; notre regard a la puissance de modifier ceux sur qui il se pose, la balle tirée au hasard nous frappe derrière le mur où nous nous croyions en sûreté. Nous sommes chargés d’une énergie prodigieuse et nous attirons les événements violents et multipliés… Je viens de vivre deux mois dans le premier de ces états. Votre retour a réveillé le destin. À notre prochaine rencontre je saurai si mon heure est venue enfin. Je dépends de vous. Je n’ose vous dire que je suis votre avenir comme vous êtes le mien… vous prendriez une de ces attitudes royales qui font éclater votre beauté à la manière des cuivres exaltant soudain une symphonie. Non, je ne vous dis point cela. Cependant, regardez la vérité en face. Pour que je sois habité par vous à tel point, il faut que vous y ayez consenti. On ne prend un être à cette profondeur qu’en donnant un peu de soi. Vous êtes ma vie, mais j’ai pénétré dans la vôtre ; il se peut encore que j’en sorte, et définitivement cette fois, car je suis assez fort pour arracher votre image. Mais nous sommes à la limite après quoi nous n’aurons plus de route pour revenir en arrière l’un sans l’autre. Si en m’abordant vous