Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/315

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mariage devait se faire, avait sollicité Jacqueline par des lettres pressantes de vouloir bien y assister. Madame des Moutiers était excédée de Blancheroche ; elle en voulait aux grandes allées de peupliers de représenter si parfaitement le prévu et le continuel de la vie ; l’étang merveilleusement moiré la rendait triste et inquiète, car, sous certains jeux de lumière, il se mettait à ressembler au bassin qu’encombrent des verdures laquées à Bayreuth. Il rappelait trop le matin d’été où, deux ans plutôt, elle avait commencé l’évolution qui la menait par des chemins de tristesse vers un but qu’elle s’irritait de ne pas apercevoir. Car elle se sentait en état d’incessante transformation, et elle avait peur de la créature plus forte et plus hardie qui, par instants, se dégageait d’elle. Qu’allait vouloir cet être nouveau qu’elle devinait par petites secousses successives ? quelles douleurs et quels désenchantements l’attendaient ? La question se posait trop souvent dans le loisir et la tranquillité de cette vie qu’elle menait.

Une autre raison encore que le besoin d’écarter son problème intime la poussait vers Paris : elle souhaitait revoir Marken. Maintenant elle ne doutait plus qu’il l’aimât, mais elle voulait savoir si, même en sa présence, il garderait l’attitude de camaraderie paisible qu’il avait adoptée. La lettre qu’elle reçut au moment de monter en voiture pour aller à la gare lui fournit quelques lumières sur le sujet. Marken répondant à l’annonce qu’elle avait faite de son séjour à Paris, terminait ainsi :

« Il y a, dans la vie, des vacances tristes où l’on se sent en marge de soi-même ; c’est comme si l’avenir em-