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Marken lui était devenue un secours contre les multiples désagréments de son été. Car tout allait mal autour d’elle. Ses invités étaient insupportables, une brouille survint entre deux bonnes amies qui s’intéressaient d’une égale ardeur au même brillant joueur de tennis. Il fallut courir d’une chambre à l’autre, éponger des yeux désespérés, porter des paroles de paix. Cela se termina par le départ des deux dames, à demi réconciliées, mais fort refroidies pour leur hôtesse.

Au commencement de septembre, quelques lignes de Léonora lui apportèrent de quoi la rassurer définitivement sur Erik Hansen ; il était retourné en Norvège, dans sa famille ; Léonora indiquait son espoir qu’il se reprît aux suggestions du milieu et y demeurât. À l’instant même, Jacqueline eut la vision du libertaire dans une petite maison pareille à celles qu’elle avait vues à l’Exposition, avec des bois bien lisses aux parois, et fleuries de couleurs brusques. Elle l’imagina, mangeant de la crème dans une jatte de faïence aux tons d’herbe et de corail, et s’interrompant pour poser son regard sur un horizon marin, ou dire dans une langue qu’elle ne savait pas des paroles de tendresse à une jeune fille aux prunelles couleur d’eau, qui l’écoutait ravie et discrète. C’est ainsi que les choses devaient aboutir, du moment qu’il rentrait au foyer. Sans doute Léonora, avec sa boursouflure habituelle, avait amplifié le désespoir de ce garçon, dans cette soirée où elles s’étaient si rudement querellées. Jacqueline, totalement libérée de l’ascendant qu’avait eu sur elle mademoiselle Barozzi, jugeait fausse toute la mise au point de ses récits et