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Dans la semaine qui suivit, Marken écrivit deux fois ; la semaine d’après, il vint trois lettres de lui ; puis ce fut chaque matin qu’elle vit arriver l’enveloppe où s’écrasaient les grands caractères impérieux et contournés qui ressemblaient à l’écriture des manuscrits arabes. Ces lettres étaient gaies, moquaient tout d’un accent dur et vif. Une d’elles s’informait sans insistance de la mélancolie aperçue dans une phrase de la dernière réponse. Jacqueline avoua la tristesse que lui donnait la campagne, dit quelque chose aussi de la solitude mentale que crée dans l’être la certitude d’être différent d’autrui. Il s’associa à cette façon de sentir, indiquant la similitude de leurs états intérieurs. Jamais il ne risquait une flatterie, pas même l’éloge direct que méritaient les lettres de Jacqueline, spirituelles et pensives, d’un tour aisé, libre et alerte, et pleines de jugements si nets et ingénieux ! Elle aima qu’il ne crût pas devoir manifester d’étonnement de ce don du style qu’elle avait à un si haut point. Il la traitait en camarade de métier, la consultait sur son travail, lui rendait visibles les rouages secrets des incidents dont l’opinion devait s’émouvoir lorsque les surfaces en seraient connues. Pour lui raconter les nouvelles inédites de la politique, il inventa un chiffre ; et, voulant s’accoutumer à le lire sans effort, elle s’en servit dans toutes ses réponses. Elle avait cessé de se méfier de lui ; il mettait dans sa vie un intérêt nouveau. C’était un amusement que de savoir les raisons intimes des choses dont le public ne perçoit que les formes. Sa solitude était toute peuplée de secrets, et le secret est un lien d’une singulière force entre les êtres, elle s’en apercevait. La pensée de