Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/31

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’elle régnait la paix. Pourquoi n’avoir pas su l’aimer ? Que de tendresse il y avait sans doute sous la froideur souple et sereine qui avait déçu l’enfant trop véhémente ! Jacqueline la revit sur son lit d’agonie, mourant avec la claire conscience qu’ont parfois les phtisiques : charmante encore, soignée, soucieuse de la bonne tenue de sa chambre. Appuyée sur ses oreillers, calme après les sacrements, les cheveux en ordre, elle parlait presque jusqu’à la fin, de sa voix un peu rauque, interrompue par l’étouffement. Le goût délicat qu’elle gardait jusqu’en un tel moment ôtait toute impression de tragédie à cette scène si simple. Les plus minimes détails s’imposaient au souvenir de Jacqueline : un tic-tac de pendule, le bruit plat des voitures écrasant la paille de la rue, un rayon de soleil sur un bouquet de camélias — la fleur que préférait madame de Lancerault parce qu’elle est sans arome – et la figure diminuée, d’une pâleur grise, creusant la batiste du poids lugubre de la défaillance suprême ; et le mystère des beaux yeux myopes dont le regard semblait tourné en dedans… D’une voix lente, rompue par la suffocation elle conseillait l’endurance, la règle et le dévouement. Elle répétait une phrase que sa fille avait bien souvent entendue. « Il faut, sur toute chose, rester fidèle aux engagements pris : la révolte est un crime, elle démoralise autrui. Le premier devoir, c’est l’exemple : nul n’a droit au scandale. »

Pourquoi avait-elle dit cela ? Inquiétude de pressentir en sa fille une dangereuse faim de bonheur, ou bien désir de se convaincre soi-même que cette loi où sa tenacité l’avait maintenue était, si dure qu’en parut l’observance, la bonne loi. Car elle avait dû