Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/298

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cèrement que cette fille-là ait passé toute sa vie sans amour.

La pendule sonna minuit. Jacqueline se leva nerveusement.

— Voulez-vous une tasse de thé ou un lemon squash ?

— Du thé, et demandez de la glace ; on a une soit par cette chaleur !… Avez-vous décidé le jour du départ ?

— Tout est prêt : nous pouvons partir demain, si vous voulez.

— À votre guise. Quant à moi je ne suis pas pressé. J’aime assez Paris en cette saison : presque tous les raseurs sont partis. On se sent mieux chez soi.

Jacqueline donna des ordres au valet de pied qu’elle avait sonné ; puis elle s’approcha de la fenêtre. Les vernis du Japon plantés au bord du trottoir étalaient le parfum chaud et mou de leurs fleurs, l’air immobile pesait, plein de silence.

— Vous disiez que Léo a dû être amoureuse ? fit-elle distraitement. Comme elle serait indignée, si elle vous entendait !

Elle se pencha au balcon pour regarder dans l’avenue.

— Ne me trahissez pas, surtout ! Elle se méfierait et je ne pourrais plus continuer les investigations qui me divertissent tant.

— Vous avez découvert quelque chose ?

— Des masses de choses !… Il y a des moments — vous avez bien dû le remarquer — où elle est si fort absorbée par ses réflexions qu’elle n’entend pas ce qu’on lui dit. Regardez-la bien dans ces minutes-là ; vous verrez se jouer dans ses yeux des drames à