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infamante. Elle eut dans la bouche un affreux goût de sang ; il lui parut que ses visions se matérialisaient, qu’il y avait du sang sur elle, autour d’elle, et tout son corps fut traversé du zig zag d’une telle torture qu’elle crut qu’elle mourait. Un moment, elle demeura inconsciente, la pensée arrêtée, puis elle sursauta, rendue à l’angoisse qui s’accroissait. Les mots que Roustan avait dits : « C’est un être admirable », tressaillaient en elle. N’était-ce pas comme un éloge funèbre ? Au moment où elle les avait entendus, le destin était clos déjà pour lui ; car, elle se souvenait tout à coup de l’heure de l’attentat, qu’elle avait lue sans y prendre garde : c’était au moment même où elle était avec Marken qu’Erik commettait cette chose… Et, si sa pensée avait été tirée si fort vers lui, c’est que lui avait mêlé la pensée d’elle à cet acte atroce. Elle ne doutait plus. La certitude la serrait comme une tenaille. Elle étouffa ses sanglots dans un coussin dont elle mordit les broderies. Le goût de cire et d’encens de la vieille étoffe, qui avait été un voile de calice, se mêlait à ce goût de sang qu’elle avait dans la bouche, et au sel de ses larmes, et sa détresse la rejeta vers des visions enfantines de chapelles blanches pleines de silence et de paix. Un moment, elle se débarrassa du scepticisme courageux acquis dans les livres et les conversations ; elle eut un cœur d’enfant qui, dans l’épouvante, cherche l’ange gardien disparu.

Elle n’était pas remise encore, quand M. des Moustiers ouvrit la porte. C’était sa coutume, lorsque en rentrant il voyait de la lumière dans le petit salon, de venir causer quelques moments avec Jacqueline. Leurs